Débarquant de la mer

La pluie a revêtu

Son blanc manteau de neige

Puis saoulée de grisaille

A recouvert la terre

Le port juste surpris

Trempait ses quais transis

Dans une eau paresseuse

Qui, au bas de la cale,

Faisait là les cent pas

Le soleil attristé  

Un instant ébloui

Se couvrit de nuages.

Un bien étonnant deuil

En ce jour de janvier.

L’île s’était figée

Dans un bruyant silence

Fait de notes liquides

Et d’inaudibles chants

Rasant l’onde distraite

Les mouettes s’y mêlèrent

En troublantes pleureuses.

La nuit lui fit office

D’étrange catafalque…

S’abreuver aux coupes molles du dégoût

Rejeter les charmes d’extases interdites

C’est juste la morale mon ange…

Se résoudre à un ciel indigeste où le soleil ne brille que la nuit

Admirer les crêtes et les élans de montagnes qui se pâment de honte

Puis les laisser se dissoudre dans un océan vide

C’est encore la morale mon enfant…

Se nourrir d’un chant séraphique qui se brise et s’efface

Espérer de troublantes passions qui nous coupent les ailes

Emprunter un navire dont les voiles anémiées s’interdisent le vent

Enfin, partir oui partir vers un horizon qui s’enfuit sur les houles du large

C’est toujours la morale mon ami…

Neiges acidulées

Fragrances oubliées

Le paysage est seul

La mer s’en est allée

Le poète frissonne

Sa palette de mots

Interroge le ciel

Qui souffre d’amnésie

Peut-être une chanson

Ou alors quelques notes

Sur la gamme fragile

D’un cahier refermé

Pétales d’autrefois

Fantôme d’un sourire

C’est dans une herbe grasse

Que le passé s’égare

Les prairies éclatées

Les  sous-bois effacés

Et des chants volatiles

Même la houle d’Ouest

Ses hautes crêtes blanches

Tentent d’apercevoir

L’infini bucolique

De ses formes avenantes

Alors je m’imagine

Séduire l’estivale

M’y enfoncer sans doute

M’y protéger aussi

Le soleil ébahi

M’offre son beau sourire

Et puis s’encapuchonne

De fins nuages blancs

Cette douce moiteur

Qui vient m’entortiller

Boursoufflée de saveurs

Quand les genêts craquètent

Est une symphonie

Enfin à l’horizon

Là où tout semble bleu

Le ciel rejoint la mer…

C’est une toile vierge

Qui sous mes yeux se charge

Un soleil qui gamberge

Puis qui tutoie le large

Lors, glissent les nuages

Qui ourlent l’horizon

Quand l’océan bien sage

Bruisse sous les frisons

Arrivent en silence

Des voiles colorées

Quelle douce indolence

Sur ce fond mordoré

Belle gouache marine

Que ce somptueux lavis

Ses teintes purpurines

Semblent empreintes de vie…